Les bus se suivent…

… et ne se ressemblent pas.
Je suis à la gare de Mâcon. J’attends le car qui me ramènera à la maison. De nombreux jeunes sont là, qui partiront par le même bus que moi pour aller à Taizé.
Le bus est en retard. La chauffeur d’un autre bus à quai annonce : « Venez, je vais vendre les billets pour faire gagner du temps à ma collègue ! »
Sympa, ce coup de main.

Le bus arrive enfin. Une dame le conduit. Nous montons rapidement. Il y a des correspondances à ne pas rater. Le bus est plein et les soutes sont bourrées de sacs à dos. On démarre. Je suis assis à la première rangée. En conduisant, la dame me dit : « on s’entend bien entre collègues. On  se dépanne. On s’entr’aide ».
« Dix-neuf ans », me dit-elle, qu’elle conduit des bus. Et elle aime ça. Toujours le même trajet : Mâcon Chalon  / Chalon Mâcon. Elle a roulé plus de 800.000 kilomètres : 20 fois le tour de la planète. Mais la retraite approche et ça va lui manquer.
Transgressant le règlement qui veut que le chauffeur ne parle pas en conduisant, elle se met à me parler des gens qu’elle conduit, des collégiens qu’elle voit grandir, des jeunes qui sont corrects, des mamies qu’elle aide à monter : voilà une femme qui aime les gens et qui aime son métier. En elle : de la Bonté.
« Vous avez vu les poulains ? » me dit-elle en passant près d’une prairie où gambadent des chevaux. « Ici, il y en a trois nouveaux, tout jeunes. Regardez comme ils sont beaux ! »
Elle me raconte comment du haut de sa cabine elle voit les juments pouliner, et les poulains grandir. Un peu plus loin, elle me parle des agneaux qui naissent au printemps, et des agriculteurs pour qui le manque de pluie est inquiétant.
Et plus loin des châteaux et des maisons de village.
Elle me parle de Tournus où elle a passé son enfance, et de la boulangerie « qu’il ne faut pas rater » où sa grand mère lui achetait des madeleines. Et de Chagny où il y a un resto « excellent ». Elle aime la vie et les vivants, cette femme.
Terminus.
Je la salue, je la remercie pour son service, je descends et je fais quelques pas.
Le bus me double et va un peu plus loin pour faire demi-tour et commencer une nouvelle course. Après cette manœuvre, en me croisant, la dame donne un grand coup de Klaxon et me fait un grand signe avant de continuer sa route.
Plus qu’un transport d’un point à l’autre de la Bourgogne, c’est un voyage. Une rencontre. Un petit morceau de vie mis en partage. Elle dément ceux qui disent : « Je vois des humains, mais pas d’humanité… »
La compagnie s’appelle Bucéphale. Désormais je l’appellerait Bucéphile.

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